Mille Miyar de Granit
En septembre 2015, nous débarquons à Miyar à l’initiative de ma femme Muriel, pour 3 semaines de grimpe. Nous aurons l’occasion de grimper sur 4 sommets par des voies d’escalade splendides : Toros, James Point, Castle Peak, Lotos. En se laissant guider par l’intuition et le plaisir de la grimpe, nous tombons facilement sur des enchainements de cannelures de granit et de fissures aux bords fournis en knobs géants. C’est donc sans aucun mal, que Florence Cotto, Antoine Rolle et Thomas Auvaro se laissent séduire par un voyage en Inde en août 2017 pour nous accompagner, avec comme objectif premier l’éperon élancé de plus de 1000m d’une aiguille évidente surmontant le camp de base. Ce sommet, resté ingrimpé incroyablement longtemps, domine l’itinéraire de trekking du kang La. Il s’agit du premier sommet de plus de 5700m d’une longue crête séparant le glacier de Jangpar de celui de Chodong. N’ayant pas connaissance des ascensions pérécédentes, nous l’appelons le « Miyar Shivling » en référence aux nombreux sommets emblématiques des massifs indiens portant ce nom évoquateur du sexe de Shiva.
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Les niçois en vadrouille :
En août 2017, nous sommes les seuls grimpeurs à Miyar. Nous installons notre camp au niveau du front de moraine du glacier de Miyar pour être au plus proche du Miyar Shivling. Après une petite voie d’acclimatation au Goya Peak pour faire connaissance avec le rocher avenant, la jeunesse niçoise est déjà dans les starting blocks pour une tentative au Miyar Shivling. L’éperon ouest est flanqué d’une sorte de Dru qui s’élève d’un jet au-dessus de la vallée. Seule cette antécime esthétique, nommée Chamonix Tower ou Lammergier Spike a été grimpée en 2005 par les anglais Graham Little, Jim Lowther et Kevin Kelly. L’itinéraire est tout trouvé : nous passerons par ce nid d’aigle incontournable avant de continuer sur l’éperon ouest qui se redresse jusqu’au sommet qui doit friser les 5750m. Avec Muriel, Florence et Thomas nous partons le 10 août pour établir un camp avancé au pied de l’éperon. Le lendemain nous grimpons, par un grand dièdre évasé en 6a max, jusqu’au sommet d’une aiguille effilée, que nous nommerons la Nissart Tower, qui est la jumelle en arrière-plan de la Chamonix Tower. Du sommet, un rappel de 20m, que nous laissons en place pour le retour, nous dépose à la brèche où nous bivouaquons avant l’éperon sommital. Durant la nuit, les orages tournent sur l’Himachal Pradesh et finissent leur course dans notre direction. A l’aube, la petite couche de grésil déposée dans la nuit nous laisse dubitatif sur la suite. Mais la qualité du rocher aidant et le soleil revenant, nous forçons le passage pour rejoindre l’arrête sommitale où le granit se mue en véritable taffonis sculptés à souhait. L’arrivée au sommet est euphorique, avec le camp de base minuscule visible 1700m plus bas à l’aplomb. La descente s’enchaine sans encombre en rappel par le même chemin et la nuit nous surprend juste avant de rejoindre le camp avancé.
Reste un mystère : une sangle très récente trouvée juste sous le sommet nous indique que nous ne sommes pas les premiers à prendre pied sur ce belvédère. En rentrant en France, on apprendra que le célèbre guide Martin Moran nous a devancé d’une année sur ce sommet avec une équipe d’aspirant guide anglais. En 5 jours de septembre 2016, ils gravissent un éperon mixte de 1300m en versant Nord du Miyar Shivling et poursuivent jusqu’au sommet suivant, un peu plus haut, qu’il nomme le « Marakula Killa ».
Pour la suite du voyage, Antoine reprend du poil de la bête et avec Thomas et Florence ils visent des objectifs de purs rochers dans les faces les plus raides du coin. Après une tentative infructueuse en face nord du Castle Peak, ils ouvrent 4 voies sur le Goya Peak et le Toros en repoussant à chaque fois la difficulté un peu plus loin, jusqu’au VII. Le rocher de Miyar se prête merveilleusement bien à ce jeu de partir à vue dans des fissures raides et même des toits. Souvent l’escalade ne nécessite pas un seul piton à Miyar et les voies sont enthousiasmantes dès le premier passage. Quelle bonheur de se lancer à l’aventure serein avec juste un gros jeu de friend au baudrier!
Pendant ce temps, je pars avec Muriel pour un voyage au bout du glacier de Chodong où nous jetterons notre dévolu sur une magnifique pyramide de granit au soleil que nous nommerons le Chodong Devling. Après deux jours d’approche pour remonter la vallée, nous atteignons le haut du glacier qui forme un splendide fleuve de glace bleue à partir de l’aplomb de la Neverseen Tower. Nous venons à bout du Chodong Devling en grimpant une journée entière non-stop dans une suite de splendides fissures jusqu’au 6b. Nous trouvons les traces d’une précédente tentative jusqu’au milieu de la face qui se redresse en un bastion sommital imprenable. Grâce à notre unique piolet traction, nous contournons l’obstacle par une longueur de goulotte dans un renfoncement et retrouvons le rocher quatre étoiles au-dessus. Nous arrivons au sommet couronné d’une petite calotte à la nuit tombée. La lune éclaire le serpent de glace du Chodong et les hauts sommets glacières des Ogres et du Trento peak derrière le Triple Crown. Sans matériel de bivouac et avec la météo locale pouvant virer à la neige d’une heure à l’autre, nous préférons enchainer les rappels de nuit pour rejoindre notre petite tente sur le glacier juste avant l’aube.
Un des plus beaux passages du Chodong Devling : un gros knob salvateur dans la dalle permet de passer sous le toit en libre